Coloraid: Les couleurs dans l’enseignement de la syntaxe
I. | Le but de la présente description
est de rendre compte d’une méthode visuelle (et audiovisuelle) dont
l’application est particulièrement efficace dans la présentation
des phénomènes grammaticaux, dans l’automatisation des principales
structures, ainsi que dans l’assimilation du vocabulaire de base.
Cette méthode a été élaborée dans le domaine de l’enseignement du hongrois langue étrangère, et peut être considérée comme base méthodologique du manuel de hongrois pour débutants de l’Institut Préparatoire International de Budapest, publié, pour la première fois, en 1980. On doit dire au préalable qu’il ne s’agit pas d’une méthode proprement dite, pour cela elle devrait avoir une portée plus générale, c’est plutôt un procédé méthodologique qui peut faciliter l’acquisition de certaines connaissances et compétences partielles et qui, par conséquent, peut être combiné avec n’importe quelle autre méthode. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de discourir sur le rôle de la grammaire dans l’apprentissage des langues étrangères, pourtant il me semble important d’insister sur quelque points à ce sujet: Alors que l’utilité pédagogique de la grammaire théorique dans l’enseignement des langues étrangères est contestée à juste titre, et même il semble de bon ton de critiquer tout et tous qui y fassent appel à la grammaire, il est inconcevable qu’on réussisse à dominer une langue étrangère sans avoir assimilé ses structures fondamentales. L’itinéraire qui peut conduire à ce but varie, entre autres, selon: Mais il n’existe pas de recette magique qui permette d’apprendre une langue étrangère en quelque semaines, ou soit, en quelques mois sans peine. Il faut comprendre que, à moins qu’on ne puisse vivre pendant des années et dès son plus jeune âge dans un pays étranger, une langue étrangère, et particulièrement la grammaire (c’est à dire les structures grammaticales) doit être apprise méthodiquement et rationnellement. |
II. | Dans l’enseignement d’une langue
étrangère, au moment où on présente un nouveau
phénomène lexical, morphologique ou syntaxique, s’impose la
nécessité d’une base de référence. Celle-ci,
dans la majorité des cas, ne peut ou ne doit être ni la langue
maternelle, ni une langue étrangère déjà connue,
ni la réalité extralinguistique elle-même. A cet égard,
je crois qu’il est nécessaire de faire quelques remarques.
L’on tend à accepter à priori que les faits, les phénomènes les plus simples et concrets du monde, ainsi que les rapports existants entre eux, peuvent être considérés comme identiques pour tout le monde, indépendamment de la nationalité, de la langue maternelle, etc. Pour cela le professeur devrait s’efforcer de faire appel à l’illustration naturelle le plus fréquemment possible, ou recourir à des moyens auxiliaires visuels qui lui permettraient la simulation la plus fidèle de la réalité, d’où la préférence à l’image fixe complexe, la photographie, le film et la vidéo. Pourtant – du moins au niveau élémentaire – s’appuyer sur la réalité concrète ou sa représentation visuelle fidèle peut entraîner des confusions. À savoir, la réalité est complexe et n’est pas articulée. C’est le cerveau humain qui fait une sélection parmi les faits du monde et qui établit des relations entre eux. Et il n’est pas probable que cette sélection et l’articulation des faits réels soient effectuées de la même manière par différentes personnes et encore moins si elles n’ont pas la même langue maternelle et ont été éduquées dans des conditions socioculturelles différentes. Et c’est à ce point-ci où entre l’image, notamment l’image fixe, qui nous permet d’accomplir la sélection et la segmentation nécessaires pour aboutir à une représentation visuelle sélectionnée et articulée de la réalité, c’est à dire, d’une partie de la réalité. Parmi les différents types d’images – du moins aux niveaux élémentaire et moyen – c’est l’image fixe dont l’application nous offre le plus d’avantages. L’emploi des films et de la vidéo présente des difficultés pratiques d’une part, et d’autre part il n’est pas toujours avantageux, c’est à dire, il ne l’est pas dans la présentation des nouveaux faits de la langue. Privés de la sélection et l’articulation requises, le film et la vidéo restent trop complexes. |
III. | Dans l’enseignement des langues étrangères
on fait recours à l’image fixe aux différents niveaux: c’est
à dire, au niveau du mot, du syntagme ou de l’expression, de la
proposition et enfin à un niveau supérieur à la proposition.
En ce qui concerne le rapport entre l’image et le segment linguistique auquel elle correspond, il est le plus direct au niveau du mot, et l’équivalence est la plus ambiguë au niveau supérieur à la proposition. Au niveau du mot, la „lecture" de l’image peut être très claire – pourvu que l’image même soit faite avec une relative perfection, et que l’on ne veuille pas représenter des choses dont la visualisation soit trop difficile ou impossible. |
Par exemple, quelques noms:
pomme/apple maison/house Dans le cas du verbe et de l’adjectif cette équivalence est plus difficile à établir, et elle ne peut pas être conçue sans avoir défini préalablement la partie du discours dont il s’agit.
Adjective:Verbe:
courir/to run sourire/to smile voler/to fly
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En ce qui concerne
les syntagmes et les expressions (tournures figées), cette équivalence
en générale est plus ambiguë:
to read to read a book to have a book to be interested (in) etc. |
to be angry
to miss the train to be late to have to wait etc. |
Au niveau de la proposition il est difficile de rendre évident la „lecture" de l’image simple et de faire l’équivalence univoque entre la représentation visuelle et une représentation linguistique.
The trees are higher than the house.
There are a house and two trees there. The house is between two trees. The trees are near the house. Etc. |
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The Bakers have a ball.
Mr. Baker is giving a ball to his son. Tom is getting a ball from his father. Tom is given a ball by his father. Mr Baker and his son are playing ball. Mr Baker is playing ball with his son. Tom is playing with his father. Etc. |
Au niveau supérieur à la proposition, une équivalence complète est pratiquement impossible à établir. À ce niveau, l’image est complexe: elle est plus riche, plus authentique, mais plus ambiguë aussi que aux niveaux inférieurs. Ce type d’image offre des informations générales et multiples. Elle sert plutôt de base pour un acte de communication relativement libre, fait appel à l’imagination, à la créativité et à la fantaisie de l’étudiant.
Si l’on examine les manuels et les différents matériels de ce point de vue, on peut constater que dans l’enseignement des langues étrangères la majorité d’images correspondent à des niveaux inférieurs à la proposition, où l’équivalence terme à terme est relativement facile à établir; et à des niveaux supérieurs à la proposition, où un équivalence stricte n’est pas nécessaire.
Cet état de choses est d’autant plus surprenant qu’au moment de la présentation d’un nouveau fait grammatical et dans sa fixation également, le point de départ, depuis de décennies, est la proposition (ou la phrase).
IV. | Pour réussir à établir une
équivalence au niveau de la proposition, il ne suffit pas de faire
une sélection soigneuse des éléments à représenter.
En outre, il faut faire une segmentation, une sorte de division fonctionnelle
de l’image.
Comme la forme linguistique – en ce cas-là la proposition – reflète toujours (d’une manière caractéristique de la langue dont il s’agit) les rapports existants entre les éléments constitutifs de la réalité, il ne faut qu’effectuer la même chose sur l’image, réussir qu’elle reflète clairement ces rapports. Bien entendu, il ne s’agit pas de s’efforcer de représenter visuellement toutes les nuances de la syntaxe d’une langue, il suffit de distinguer les éléments constitutifs fondamentaux qui correspondent, selon la terminologie traditionnelle, au sujet, au prédicat (c’est à dire au verbe) et aux compléments du verbe divisés en deux groupes: l’objet direct et les autres compléments du verbe, y compris l’objet indirect. |
V.
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Ces fonctions syntaxiques étant identifiées par des couleurs, on peut obtenir, par exemple, le schéma qui suit: |
sujet
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vert | |
prédicat
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rouge | |
complément d’objet direct
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jaune | |
autres compléments du verbe
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brun |
Maintenant nos images ne sont plus ambiguës, elles nous permettent une „lecture" claire:
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The house is between two/the trees.
(There is a house between two/the trees.) |
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Mr. Baker is giving a ball to his son.
(Mr. Baker is giving his son a ball.) |
Alors, on peut faire la même division syntaxique sur la représentation graphique, la transcription écrite de la proposition:
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Évidemment, il y a des différences entre les deux cas. Sur l’image, sauf les verbes de mouvement, il est impossible de visualiser les verbes séparément. À l’exception des possessifs, on ne peut pas représenter à part les compléments du nom, les éléments adjectivaux non plus. La situation est pareille dans le cas de nombreuses formes adverbiales, le prédicat nominal ou nominoverbal (combinaison verbe + attribut), les compléments des adverbes, etc. Tout cela ne nous empêche pas de faire la segmentation complète de la transcription écrite.
Par exemple:
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